28 janvier 1910
C’est le 28 janvier que la crue atteint son Maximum à Paris : 8,62 mètres.
L’inondation actuelle, dont notre génération n’a pas le souvenir, a quelque chose de grandiose et d’impressionnant. Elle pourra compter parmi les plus désastreuses aussi et surtout parmi les plus subites.
Depuis vendredi, à Melun, les quais Saint-Ambroise, de la Verrerie, Pasteur, d’Alsace-Lorraine, etc., disparaissent partiellement ou totalement sous les eaux, et dans les bas quartiers (rues au Lin, du Presbytère, Vaugrain, des Potiers et des Marais), la nappe atteignait en certains endroits 1 mètre 60. Des secours furent immédiatement organisés par la compagne de Sapeurs-Pompiers et des soldats de la garnison.
Des passerelles de fortune et des barques réquisitionnés un peu partout purent assurer dans la mesure du possible le pilotage sur les voies envahies.
De gros préjudices seront supportés par la maison E. Barbier, confiseur, dont la fabrique a été complètement envahie par l’Almont. M M. Brandin, entrepreneur de menuiserie, Ganot frères (scierie mécanique), Dethire frères (tannerie), Moissy et Darnault (vins en gros), etc., subiront également de grosses pertes.
A Melun, pendant toute la durée de la crue l’activité commerciale, à l’exception des métiers de bouche, s’est trouvée en partie suspendue.
De tous côtés, on ne s’abordait que pour se demander anxieusement si le mouvement ascensionnel allait prendre fin.
Privés de gaz et d’électricité, les imprimeries de la ville ont dû faire chômer leurs machines. Le soir venu, les rues et les magasins, privés d’éclairage, avaient un aspect lugubre et navrant. Les eaux de consommation, contaminées par les infiltrations des égouts et des fosses d’aisances, ont causé plusieurs cas d’empoisonnement. Le flot ayant envahi la rue du Château, on fut obligé de transférer le service de la caisse et des guichets de la Trésorerie Générale à la Préfecture.
En divers endroits sur la ligne P.-L.-M., notamment près de Villeneuve-Saint-Georges, la situation a été des plus critiques. Les ingénieurs ont tout fait, on le comprend, ainsi que le haut personnel et les employés très dévoués, pour éviter un arrêt des communications, un désastre pour Paris comme pour la Province.
Dès lundi, la situation devenait grave sur le réseau menacé d’être coupé complètement de Paris.
Depuis lundi les voyageurs allant à Paris ont subi des retards considérables (environ 4 heures) les trains ne pouvant marcher à partir de Brunoy qu’avec une très prudente lenteur car les voies étaient sous l’eau et on pouvait craindre à tout instant un éboulement, par suite l’interruption absolue de la circulation, une catastrophe.
(L’indicateur général de S&M, samedi 29 janvier 1910)
ELD N°14 - Melun - Rue au Lin - © collection LV
L’eau a commencé à baisser à Melun, mais pas à Paris. La vue ci-dessus nous montre le quartier Saint-Aspais. Les zones les plus touchées auront été les quais de la Seine, le quartier de la Varenne (piscine actuelle), le quartier Saint-Aspais et les zones proches de l’Almont, probablement jusqu’à l’actuelle Pénétrante.