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La crue de 1910 (3)

Lundi, janvier 18th, 2010

18 janvier 1910 : une crue de la Seine débute. On n’en perçoit pas encore l’importance et c’est à la rubrique “Faits Divers” que l’on trouve l’information.

La crue de la Seine
D’après les nouvelles des stations météorologiques, la crue actuelle de la Seine pourrait atteindre, d’ici à demain, à Paris :
Au pont d’Austerlitz, la cote de 2m75 ; au pont de la Tournelle, 2m65 ; au pont Royal, 3m80, et à Bezons, 3m70.

(le Petit-Parisien N°12135, 19 janvier 1910).

Plus localement, en amont, on s’inquiète un peu :

Coulommiers, le 18 janvier.

Par suite des pluies incessantes, le Grand-Morin a subi dans la journée une crue de plus de deux mètres. Toute la vallée est inondée, les routes sont coupées.
A Coulommiers, la rue de Paris est pleine d’eau. On redoute pour cette nuit une nouvelles crue qui inonderait toutes les parties basses de la ville.
Les plus grandes précautions sont prises par les riverains.

(le Petit-Journal N°17190, 19 janvier 1910)

Catastrophe de Lorroy (suite)

Dimanche, janvier 17th, 2010

De notre envoyé spécial : Nemours, 22 janvier [1910]

Des quelques maisonnettes, qui, à mi-chemin de Souppes et de Château-Landon, constituaient le minuscule hameau de Lorroy, il ne reste rien.
Sur l’emplacement qu’elles occupaient, il y a quarante-huit heures encore, entre les collines crayeuses du plateau de Montagnan et le canal du Loing, ce n’est plus maintenant qu’un amoncellement énorme et difforme de ruines.
Comme l’annonçait, dès hier, le Petit Parisien, c’est une catastrophe qu’il nous faut déplorer aujourd’hui. Elle est entière, puisque, aux dégâts matériels considérables, viennent s’ajouter sept victimes qui ont péri d’une mort atroce, assommées par la chute de moellons énormes tombant sur elles, ou étouffées sous les décombres avant qu’on ait eu le temps de leur porter secours.

La colline était minée

Les ingénieurs qui, au point de vue technique, constatent les accidents et en discutent les causes, mais les prévoient rarement, estiment, - du moins quant à présent, - que les pluies abondantes tombées ces jours derniers ont déterminé des fissures profondes dans les terrains en déclivité de la colline de Montagnan et ont amené les éboulements qui ont tout rasé sur leur passage.
Les gens du pays expliquent, avec beaucoup de bon sens, que l’événement était prévu, mais que l’on en avait retardé l’échéance comme hypothétique et qu’en conséquence on avait toujours ajourné les mesures de protection préventive qu’il aurait fallu prendre.
- En effet, précisent-ils, depuis cinquante ans et davantage peut être, toute la partie du sol qui vient de s’effondrer était creusée sur une étendue de plusieurs kilomètres. Des cavités que l’on pratiquait, au fur et à mesure des besoins, en faisant le plus souvent usage de la dynamite, on extrayait du blanc d’Espagne.
Certaines de ces galeries souterraines atteignent, dans beaucoup d’endroits, jusqu’à 10 et 20 mètres de hauteur. La conséquence de ces coups de mine fréquemment renouvelés s’était déjà manifestée par un affaissement inquiétant. Les terres, mal étayées, auxquelles il manquait un point d’appui, devaient fatalement un jour on l’autre provoquer une catastrophe que l’affluence des eaux n’a fait que précipiter.
Eu effet, sur une longueur de plus de huit cents mètres, le plateau a été entamé. D’énormes crevasses se sont ouvertes tout à coup. Autour d’elles, à des intervalles très éloignés les uns des autres, d’inquiétants fendillements du sol marquent le travail de désagrégation qui a commencé, et qui, lentement mais sûrement, continue et constitue pour le piéton le plus grand danger

Ensevelis

L’événement se produisit, comme vous le savez, vendredi, après le déjeuner.
Le matin, de bonne heure, l’éclusier Putois et sa femme avaient pu regagner leur demeure, qu’ils s’étaient vus contraints d’abandonner la veille.
Le niveau des eaux, qui couvrent en partie la campagne depuis Nemours et au-delà, accusait une baisse très sensible. Et cette constatation était venue à point redonner un peu d’espoir aux habitants apeurés de Lorroy.
Putois était allé porter la bonne nouvelle aux époux Blondeau, qui l’avaient engagé à partager leur repas avec sa femme, qui était venue le rejoindre, et Eugène Sauvageon, le garde du canal ; ils se trouvaient tranquillement attablés quand soudain ils entendirent un grondement sourd et prolongé.
Prise d’un sinistre pressentiment, Mme Blondeau se leva :
— Nous sommes perdus ! fit-elle.
A peine avait-elle poussé ce cri de détresse que le plafond s’entrouvrait et que la maison entière s’effondrait.
M. Blondeau et sa femme, de même qu’Eugène Sauvageon, furent tués sur le coup. Presque en même temps, leurs voisines, Mme veuve Beaulieu et sa fille Eugénie, qui venait d’avoir dix-sept ans, succombaient de la même façon ainsi qu’un ouvrier carrier, Léon Lemot, qui, seul, habitait une bicoque appartenant à la propriétaire de l’exploitation.
Avec le petit Modeste Gilet, un enfant de deux ans, ils sont sept dont les cadavres demeurèrent jusqu’au soir sous les décombres.
Que d’efforts, que de peine éprouvèrent les sapeurs du génie pour les découvrir parmi les matériaux et les débris de toutes sortes accumulés sur eux !…
A l’heure actuelle et en dépit des recherches opiniâtres qui, pendant toute la journée d’aujourd’hui, se sont poursuivies sans relâche, le corps de Léon Lemot n’a pas encore été retrouvé.
Comme une secousse sismique, l’éboulement de la colline de Montagnan dura quelques secondes à peine. L’effet en fut terrible et foudroyant. Il se pourrait que des poudres détonantes, laissées par les ouvriers dans l’un des souterrains, en vue d’une trouée future, aient explosé, donnant une force de projection,  plus grande encore aux blocs de terre qui se détachaient de la colline, car au moment même où, comme une trombe, ils s’abattaient sur les maisons, les habitants de Dordives, du Grand-Moulin et des Varennes assurent avoir entendu une détonation semblable à celle d’un coup de canon…

Les survivants

Ceux qui, les premiers, arrivèrent à Lorroy restèrent un moment pétrifiés, glacés d’épouvante.
De quelque côté que se portaient leurs regards, ils ne voyaient rien. A leurs pieds, une masse confuse de pierres, de plâtras, de briques déchiquetées, accumulés en tas d’où émergeaient ça et là des objets hétéroclites, de pauvres choses sans nom. Les gémissements, les lamentations des blessés les rappelèrent au sentiment de la réalité.
De ce chaos, ils tirèrent l’éclusier Putois et sa femme, les époux Gilet et un nourrisson de quelques mois, qui leur avait été confié, le petit Loison. dont la mère, une mécanicienne, habite Asnières.
J’ai vu, à Château-Landon dans la maison de M. Oudin, leur parent, où ils avaient été transportés, M. Putois et sa femme.
Tous deux ont été grièvement atteints et la commotion cérébrale qu’ils ont ressentie est grande.

Le récit du « rescapé »

Tandis que sa femme, qui a une épaule démise et peut à peine parler, est obligée de garder le lit, M. Putois est assis près d’une cheminée, une jambe étendue sur une chaise :
— Ah ! nous pouvons dire que nous l’avons échappé belle ! Nous nous demandons encore comment nous en sommes revenus !…
Depuis deux nuits, ma maison ayant été envahie par l’eau, je couchais chez Blondeau. Et je me souviens maintenant qu’à différentes reprises je fus réveillé par des craquements dont je cherchais en vain à m’expliquer la cause. Ça grinçait aussi et je crus que c’étaient les rats…
Quand la catastrophe est arrivée, nous étions à table. Nous prenions le café. J’ai vu le plafond s’entrouvrir tout à coup, puis se soulever très haut. Alors, je compris ce qui allait se passer. Instinctivement, j’appuyai ma tête sur la table et je lui fis un bouclier de mes bras. En même temps, je fermai les yeux.
J’entendis un fracas épouvantable. Tout croulait autour de moi. Etais-je blessé ? Ne l’étais-je pas ? Je n’aurais su le dire.
Tout à coup, je sentis que le sol se dérobait sous moi et j’eus la sensation d’être porté par les eaux. Je ne voyais rien. L idée me vint que je devais avoir été précipité dans une cave !…
Mais non. Tout cela n’était qu’illusion. J’ouvris les yeux, je vis le jour. Je tâtai mes vêtements : ils n’étaient pas mouillés. Je regardai autour de moi et cherchai à m’orienter. Je ne reconnaissais plus rien… J’eus le vertige… J’ai cru que j’étais devenu fou !
Alors, de toutes mes forces, j’appelai ma femme et je fus pétrifié quand je l’entendis murmurer, tout près de moi :
— Je suis là !… Ne crie pas !…
En effet, je n’avais qu’à étendre le bras pour l’atteindre, et je ne l’avais pas vue…
Nous étions tout deux sur la route, par terre, à trente mètres au moins de la maison de Blondeau. Jamais nous ne pourrons expliquer comment nous avons été transportés là…
Les autres blessés sont soignes à l’infirmerie de l’hospice des vieillards, à Château-Landon. Il n’en est pas, parmi eux, qui soient en danger de mort.
Les travaux de déblaiement par les soldats du génie et des fantassins venus de Fontainebleau n’ont cessé qu’à une heure tardive de la soirée. Ils seront repris ce matin et l’on s’efforcera de dégager le corps de Lemot qui a été enseveli, croit-on, sous les débris de sa maison.

(Le Petit-Parisien N°12139, 23 janvier 1910) L’illustration de l’article précédent est tirée de cet article.

Vous pouvez retrouver les cartes postales de la catastrophe sur le site http://inondation1910.free.fr

Un hameau englouti en Seine-et-Marne

Samedi, janvier 16th, 2010

Avec 5 jours d’avance, voici le récit de la Catastrophe de Lorroy (21 janvier 1910)

Fontainebleau, 21 janvier
Un effroyable accident vient de se produire au hameau de Lorroy, commune de Château-Landon.
Le Fusain, petit cours d’eau venu de département du Loiret et qui arrose la pittoresque vallée de Château-Landon avant d’aller se jeter dans le Loing, a, comme toutes les rivières du département, débordé, par suite des pluies, et inondé la région.
Le hameau de Lorroy tire sa principale industrie et ses plus importantes ressources des caves à blanc d’Espagne creusées dans son sous sol et appartenant à Mme veuve Beaulieu.
Par suite des ravages de l’inondation dans le sous-sol, ces caves se sont effondrées, ce soir, vers quatre heures, ensevelissant toutes les maisons du hameau, une vingtaine environ.
Il y a de nombreuses victimes, non seulement des habitants du hameau, mais aussi de nombreux curieux qui s’étaient rendus à Lorroy pour voir les inondations.
On a sonné la générale dans les rues de Château-Landon et tous les habitants de cette ville sont sur les lieus, distants de quatre kilomètres.
On a déjà retiré cinq cadavres parmi lesquels ceux de Mme Beaulieu et de sa fille ; ceux de M. et Mme Blondeau.
Huit blessés sont transportés à l’hôpital de Château-Landon. De nombreuses personnes sont encore sous les décombres.
Du secours a été demandé télégraphiquement à Montargis mais par suite de l’arrêt des communications, c’est à Fontainebleau qu’est parvenue l’affreuse nouvelle.
La troupe de la garnison va partir sur les lieux. Je m’y transporte aussi. Le Parquet vient d’être prévenu et part en auto.

Le Petit Journal N°17193, samedi 22 janvier 1910

Lorroy 1910

La crue de 1910 (2)

Vendredi, janvier 15th, 2010

Avant de commencer le chronologie de la crue de 1910, je vais aborder les causes et la situation climatologique. J’ai extrait les passages suivant d’un ouvrage de 1911 que l’on trouve en ligne sur le site Persée, portail de revues scientifiques (Annales de Géographie. 1911, t. 20, n°110 ; article de L. Gallois, p.112 à 121)

La saison chaude (1er mai-1er novembre) de 1909 avait été particulièrement pluvieuse dans le bassin de la Seine. La moyenne des précipitations s’élevait à 435 mm, très supérieure à celle de 371 mm résultant des observations faites depuis 29 ans. L’expérience montrait qu’on pouvait s’attendre, au début de l’hiver 1909-1910, à une ou plusieurs périodes de hautes eaux. Le point de ruissèlement, pour les terrains imperméables, et le point de saturation, pour les terrains perméables, étaient à peu près atteints.

Des pluies répétées, en novembre et décembre 1909, déterminèrent à Paris des crues de plus de 3 m. au pont d’Austerlitz, avec maximum le 7 et le 31 décembre. Le débit des sources augmentait dans une forte proportion. Celle de la Seine passait de 916 l. par seconde, le 29 novembre, à 2678 l., le 15 décembre, et à 2235 l., le 3 janvier.

La décroissance commençait à peine, lorsque de nouvelles pluies survinrent, dès le 9 janvier. Du 18 au 21, de véritables torrents d’eau déterminèrent une crue exceptionnelle et presque subite de l’Yonne, du Loing et du Grand Morin, c’est-à-dire des rivières venues de régions en grande partie imperméables. L’influence de ces montées subites devait se faire sentir sur la Seine, à Paris, dans un délai de un jour et demi à quatre jours au plus. Dans la journée du 20, la crue dépassait 1 m. au pont d’Austerlitz ; elle était plus forte encore dans la journée du 22.

En même temps se produisaient des crues extraordinaires sur la haute Seine et la Marne ; l’effet en était attendu à Paris pour le 27 et le 28. Or, le 23, une dépression barométrique de 33 mm. en 24 heures déterminait une recrudescence des pluies. Un nouveau flot de l’Yonne, du Loing, du Grand Morin venait se superposer à celui de la haute Seine et de la Marne, et les eaux atteignaient, le 28, 8 m.62 au pont d’Austerlitz. C’est, comme on sait, la plus forte crue qui ait été enregistrée pour la Seine depuis celle de 1658, évaluée par Belgrand à 8 m.81 au pont de la Tournelle, au lieu de 8 m.42 au même pont en 1910. Ces nombres sont, d’ailleurs, peu comparables, en raison des modifications apportées au lit du fleuve.

En somme, la Seine avait monté, en 9 jours, de 5 m.64 au pont d’Austerlitz. Jamais on n’avait observé de crue aussi soudaine. La décroissance fut également très rapide : le 7 février, le niveau était redescendu à 4 m.50 au pont d’Austerlitz.

A partir du lundi 18, je commencerais à publier des extraits de journaux régionaux (ou nationaux) d’époque pour montrer l’évolution de la crue à Melun, ou dans la région. J’aborderais aussi(peut être avant), un évènement survenu le 21 janvier 1910 : la Catastrophe de Lorroy.

Je vous signale un lien vers un article sur ces mêmes inondations, à partir de journaux d’époque, disponibles aux Archives Départementales : La crue de 1910 à la une

La crue de 1910 (1)

Jeudi, janvier 14th, 2010

Il y a bientôt 100 ans, un évènement a fortement perturbé la vie de la région : les inondations de 1910.

Cette crue, dite centennale, ne s’est jamais renouvelée. Je ne rentrerai pas ici dans le débat : peut-elle se reproduire ?, même si cette question est légitime et la réponse pas si simple.

Je vais essayer de vous faire vivre, au jour le jour, l’évolution de cette crue pour la ville de Melun.

Melun a subi de nombreuses crues plus ou moins importantes. Elles peuvent provenir de la Seine ou de l’Almont, la Seine pouvant remonter l’Almont et provoquer une crue dans la première partie de la vallée de l’Almont.

Pourquoi parler des crues de la Seine ? Parce qu’elles ont eu une incidence sur la vie d’Henri de Monfreid, laitier à Trois-Moulins. J’y consacrerai un panneau lors de la journée Henri de Monfreid (20 juin 2010).

Pour ce centenaire, je ne serai pas seul à vous parler de ces crues. Il y a des expositions, ainsi que des sites Internet dédiés. Les images nous viennent des collectionneurs de cartes postales : pour Melun, on en compte une quinzaine. Je vous en montrerai quelques-unes une de ma collection.

Expositions :